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Artemisia Gentileschi

                          Artemisia Gentileschi naît en 1593. Son père, Orazio, est un peintre jouissant d’une confortable renommée à Rome. Désireux de transmettre son art, il s’emploie à apprendre sa technique à ses enfants, mais seule sa fille réussit à montrer un certain talent. A cette époque, les femmes, si elles peuvent être peintre malgré les difficultés, doivent se cantonner aux paysages ou aux natures mortes qui ont moins de valeur sur le marché que des représentations d’épisodes religieux. Mais le père d’Artemisia veut assurer le succès de sa fille qui signe officiellement son premier tableau à 17 ans seulement : une scène religieuse, Suzanne et les vieillards.

 

                         Ainsi, son père engage le peintre Agostino Tassi pour enseigner les techniques picturales à sa fille. A 19 ans, Artemisia est violée par son précepteur. Tassi fait alors chanter Artemisia : « ta pureté est bafouée, personne ne voudra de toi, alors ne dit rien et je me marierai avec toi ». Il profite de cette promesse pour continuer à abuser sexuellement de la jeune fille. Le père d’Artemisia voit ses tableaux volés par Tassi et finit alors par apprendre la vérité sur la relation entre le peintre et sa fille. Il lui intente un procès pour avoir volé la virginité de sa fille. Artemisia est soumise à la torture pour vérifier l’exactitude des faits. Elle subit aussi un examen gynécologique traumatisant. De plus, il est maintenant connu de tous qu’elle est une femme « déshonorée ».

 

                        Au terme du procès, Tassi est condamné à l’exil mais ses relations avec le Pape lui permettront de revenir. De son côté, Artemisia réussit à se marier et prend la route pour Florence. Son talent y est si reconnu qu’elle est la première femme à être acceptée à la prestigieuse Académie de Dessin de Florence. Nouant de nombreuses relations avec des personnes haut-placées, elle joue aussi avec sa beauté quand elle donne son visage aux personnages de ses tableaux et c’est ainsi qu’elle obtient un carnet de commande bien rempli. Ses œuvres, dont l’influence du Caravage mais aussi de son père sont visibles, se démarque par l’horreur et la noirceur de scènes crues et graphiques, réminiscences de ses humiliations et de sa souffrance passées. Mais, trop dépensier, elle finit par se séparer de son mari et part sur les routes avec ses deux filles, les seules survivantes de ses quatre enfants.

 

                       Enfin indépendante, elle passe par Rome, Venise, Naples, rejoint son père en Angleterre pour revenir finalement à Naples où elle finira ses jours. Artemisia Gentileschi peindra une œuvre d’une immense qualité technique qui la place comme un des peintres les plus accomplis de l’époque. C’est par ailleurs une des premières femmes à peindre des sujets historiques et religieux et elle laisse derrière elle nombre d’autoportraits dissimulés ou non. Pourtant, par la suite, ses tableaux sont plus souvent attribués à son père, Orazio, qu’à elle et elle tombe peu à peu dans l’oubli. Il faudra attendre le XXème siècle pour qu’elle soit réhabilitée.

 

                     Cette artiste, qui a su jouer de ses attraits physiques autant que de son talent et de son intelligence pour réussir à marquer son temps de son œuvre, montre aussi la douleur, l’horreur parfois, que peut représenter la justice, et son cas résonnent tristement avec le monde d’aujourd’hui. Mais Artemisia Gentileschi a su mettre à profit sa force de caractère pour surmonter les épreuves, et s’est servi de ses traumatismes pour jouer avec les codes de la société en plaçant les femmes au coeur de ses tableaux, actrices de leur vie autant qu’Artemisia l’a été pour la sienne.

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Suzanne et les vielliards, Artemisia Gentileschi, 1610, Schloss Weißenstein collection (Pommersfelden, Allemagne).

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     Le premier tableau signée de l’artiste évoque un épisode biblique où la jeune Suzanne, aux bains, est observée par deux vieillards. Ils lui font alors des avances qu’elles refusent et pour se venger, ils décident de l’accuser d’adultère pour qu’elles soit condamnés à mort.

     Cette oeuvre se démarque des représentations de l’époque à la fois par la cruauté assumée des deux vieillards, par le refus explicite de Suzanne mais aussi par la sensualité de la jeune fille, personnage pourtant de la Bible.

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Judith décapitant Holopherne, Artemisia Gentileschi, 1612, Museo Nazional di Capodimonte

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        Sans doute le tableau le plus célèbre de l’artiste, Judith décapitant Holopherne est à nouveau une scène biblique représentant un personnage féminin. Judith, une jeune femme de la ville juive de Béthulie, se fait inviter chez le général assyrien Holopherne qui prépare une attaque contre la ville. Judith l’enivre et, une fois endormi, le décapite avec l’aide de sa servante.

          A nouveau, Artemisia sort des canons de son temps et représente Judith véritable actrice et non pas innocente agissant contre son gré. La plupart des historiens de l’art s’accordent à dire qu’Artemisia a donné son visage à Judith et a représenté Holpherne sous les traits d’Agostino Tassi, comme une manière, quelques temps après son procès, de faire table rase de ses traumatismes passés.

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